12 Septembre 2014
L’Afrique : une terre d’avenir ?
Synthèse de l’article “Le temps de l’Afrique est venu” - Harvard Business Review, Août-septembre 2014, p. 18-19.
http://www.hbrfrance.fr/magazine/2014/07/2687-le-temps-de-lafrique-est-venu/
Jonathan Berman, auteur de Success in Africa: CEO Insights from a Continent on the Rise, consultant senior au cabinet de stratégie Dalberg.
“L’Afrique est notre région à plus forte croissance dans le monde. Si vous voulez être pertinent, vous devez être dans cette partie du monde” affirme Dominic Barton, directeur général mondial de McKinsey et compagnie (cabinet de conseil qui a été classé à la première position du classement Vault des 50 plus grands cabinets mondiaux) au forum économique mondial pour l’Afrique 2014.
Continent dont l’économie pèse aujourd’hui 2000 milliards de dollars, l’Afrique se présente comme un territoire riche en ressources et en potentiel. Comment ce continent se présente-t-il actuellement comme une terre d’avenir ?
L'Afrique est un continent homogène d'une superficie de 30 millions de km2 riche de ses diversités. Longtemps la partie du monde la moins urbanisée, elle comble aujourd’hui son retard à un rythme exceptionnel. Désormais, c'est le continent des plus fortes croissances urbaines. La population des villes a été multipliée par 9 au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Partout, l'exode rural pousse les gens des campagnes vers les villes. Cependant, les taux d'urbanisation sont encore très inégaux au début du 21e siècle : 52 % en moyenne pour l'Afrique du Nord contre 37 % pour l'Afrique subsaharienne.
L’lslam est historiquement très liée à l’Afrique. En l'an 5 (an - 8 de l'Hégire), alors qu'il est en butte à une oppression de la part des Quraysh (tribu mecquoise) sur les musulmans et face à la multiplication des actes visant à les détourner de leur religion, le Prophète - paix et bénédictions sur lui - recommanda aux musulmans d’immigrer en Abyssinie, terre chrétienne alors gouvernée par un roi juste, Négus (An-Nadjachy). Il s’agit de l’actuelle Ethiopie, pays situé à l’est de l’Afrique et qui longe la Mer Rouge.
Aujourd’hui, ce continent représente une grande opportunité de marché. En effet, avec plus d’un milliard d’habitants et alors que la crise se prolonge en Europe, l’Afrique s’affirme comme la nouvelle frontière de la croissance mondiale avec un taux de croissance qui dépassera 6% en 2014, selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI).
Sa croissance économique et son développement s'inscrivent à présent dans un environnement administratif et fiscal favorable à l'émergence d'un véritable secteur privé performant et rend donc l’Afrique de plus en plus attrayante pour les investisseurs.
Il y a de plus en plus d’habitants en ville, 52 villes comptent 1 million de personnes ou plus, comme en Europe occidentale. Le pourcentage de personnes vivant en ville sera de 50% d’ici à 2030. La classe moyenne est plus importante qu’en Inde, et d’ici à 2020, la moitié des ménages africains disposeront d’un pouvoir d’achat considérable.
Actuellement, l’économie de l’Afrique connaît une croissance plus élevée que celle des autres continents. Un tiers des pays africains connaît une croissance de son PNB (Produit National Brut) supérieure à 6%. Le PNB mesure la production sur une année de biens et services marchands créés par une nation, qu’ils se trouvent sur le territoire national ou à l’étranger. Attention aux idées reçues : dans les années 2000, les ressources naturelles comme le pétrole et les diamants représentent seulement le quart des richesses de l’Afrique !
La dette et l’inflation (hausse des prix) ont beaucoup diminué durant cette dernière décennie. En effet, la plupart des différents gouvernements africains sont maintenant largement alignés sur les économies de marché. On constate qu’il y a beaucoup moins de coups d’Etats qu’auparavant et que de nombreuses réformes politiques sont en route. Ainsi, cela favorise le développement d’une certaine stabilité politique et économique, malgré les crises traversées ces dernières années.
Puisque la population mondiale augmente rapidement et qu'elle a aujourd’hui dépassé les 7 milliards, la production agricole mondiale doit augmenter en vue de répondre à cette croissance. La majeure part de cette augmentation de la production agricole proviendra de l’Afrique qui concentre 60% des terres cultivables de la planète. Ainsi, elle peut devenir une puissance agricole.
L’Afrique possède environ 12 % des réserves mondiales de pétrole et 42 % des réserves d’or. L'Afrique du Nord – avec l'Algérie et, dans une moindre mesure, l'Égypte et la Libye –, dispose de près de 60% des réserves prouvées de pétrole du continent. L'autre grande zone gazière du continent, en termes de ressources, est le Nigéria qui détient 36,7% des sources africaines. Les pays du Moyen-Orient détiennent plus de 40% des réserves prouvées de gaz naturel de la planète. Face à l'approvisionnement tendu du pétrole, le gaz, avec son abondance supposée, semble appelé à devenir l'énergie de demain, succédant au charbon du 19e siècle et au pétrole du 20e.
Jusqu'à la fin des années 1960, le continent africain n'a fourni qu'une part infime de la production mondiale de pétrole. En l'espace d'une décennie, de 1960 à 1970, il a pris une place de choix parmi les grandes régions productrices et exportatrices du globe.
Aujourd'hui, la percée des divers pays du golfe de Guinée permet d'avoir un équilibre entre Afrique du Nord (50% du total) et Afrique subsaharienne (49% pour le golfe de Guinée).
L’Afrique représentera bientôt la première réserve de main-d’oeuvre du monde d’ici 2015. En effet, la démographie y est en hausse contrairement à l'Europe et l'Asie où on observe un recul de la natalité. La main d’oeuvre africaine va augmenter de 163 millions durant ces 10 prochaines années.
Avec 2 milliards d'habitants prévus pour 2050, selon les projections de l'Organisation des Nations unies (ONU), sa population aura été multipliée par 10 en un siècle seulement. Du jamais vu dans l'histoire de l'humanité. A cette date, la population de l’Afrique sera supérieure à celle de la Chine et de l’Inde, et 3 fois plus nombreuse que celle de l’Europe.
Comme pour les pays riches et émergents actuels, cette poussée de la force de travail sera source de croissance. Elle s'accompagnera d'une urbanisation galopante et d'une densification des territoires, qui construiront les bases d'une croissance endogène (croissance dû à des facteurs comme le développement des savoirs-faire ou le progrès technique par exemple). Certains spécialistes ne manquent pas de souligner tous les problèmes sociaux, écologiques, etc. que provoqueront ces transformations. Il n'empêche que lorsqu'on accroît autant le facteur travail, la croissance augmente.
Surtout si elle s'accompagne de davantage de capital. Et de ce point de vue aussi, l'Afrique change. Les politiques de libéralisation et d'équilibre des budgets et des comptes extérieurs conduites sous la pression des institutions internationales au cours des années 1980 et 1990 ont laissé des cicatrices profondes. Toutefois, ces politiques ont aussi contribué à assainir les budgets et à réduire considérablement les dettes publiques. L'investissement public, nécessaire à la croissance, repart. Et les prix des matières premières sont orientés à la hausse pour un continent qui en produit beaucoup.
Le trafic de l’Internet mobile devrait être multiplié par 25 au cours des 4 prochaines années !
L’Afrique compte 6 des 10 économies à la croissance la plus rapide du monde. Elle constitue le 2ème marché au monde pour la téléphonie mobile – les smartphones s’y vendent 4 fois plus que les ordinateurs. Selon le blog ICTworks, entre août 2011 et février 2012 le nombre d’utilisateurs de Facebook en Afrique a progressé de 165 %.
La pénétration du mobile atteindra 84% d’ici à 2015. Le trafic de l’Internet mobile en Afrique subsaharienne va être multiplié par 25 au cours des 4 prochaines années. Les smartphones ne représentent que 3% du marché, contre 15% prévus en 2015.
Investir dans le local est rentable : embauche du personnel local, et production pour le marché intérieur. Cette croissance démographique et l’expansion des classes moyennes génèrent un gigantesque marché intérieur des plus prometteurs. De grandes multinationales, comme L’Oréal ou Danone, investissent déjà sur le continent.
Comparé aux autres continents, l’Afrique connaît le plus faible taux d’échanges commerciaux intérieurs. Toutefois, ceci est en train de changer car les ministres du commerce et les dirigeants d’entreprises se chargent de promouvoir le libre-échange au sein des 5 grands blocs commerciaux.
Assurément, les ressources naturelles finiront par s’épuiser. Les pays africains en ont conscience et ont décidé de miser sur l’éducation, facteur de développement crucial qui déterminera si l’expansion rapide de la main d’oeuvre est une bénédiction ou pas. On parle d’économie du savoir. Le savoir est désormais reconnu comme un moteur de productivité et de la croissance économique. En conséquence, un intérêt nouveau est porté au rôle de l'information, de la technologie et de l'apprentissage dans la performance économique. Ainsi, 20% des dépenses publiques de l’Afrique sont consacrées à l’éducation , soit 2 fois plus que les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique). L'OCDE regroupe plus d'une trentaine de pays : toute l'Europe occidentale et l'Amérique du nord, plus le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée et certains pays d'Europe centrale et depuis 2010 le Chili, la Slovénie, Israël et l'Estonie.
Le niveau d’études n’est pas encore en rapport avec celui des dépenses, mais il y a déjà des résultats prometteurs : des étudiants en sciences au Ghana et en Tunisie étaient parmi les meilleurs dans les années 2000.
Mais cette démographie peut aussi bien se retourner contre l’Afrique si l’économie ne parvient pas à absorber les millions de jeunes présents sur le marché du travail et qui, désœuvrés, peuvent grossir les rangs des gangs urbains ou des groupes armés. Le taux de croissance moyen, près de 5% aujourd’hui, ne suffira pas. Et le secteur éducatif doit être érigé en priorité absolue pour les gouvernements et les bailleurs de fonds.
Comme nous avons pu le constater plus haut, la population africaine tend à augmenter, et son capital humain avec. Le capital humain se définit comme l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par l’accumulation de connaissances ou de savoir-faire généraux ou spécifiques.
Les connaissances et les compétences accumulées permettent à une personne d’améliorer son efficacité et son revenu. Dans ce cadre, le capital humain fait l’objet d’investissement de la part des entreprises et doit être rentabilisé.
Ainsi, forts de richesses aussi abondantes et de la demande mondiale croissante de matières premières, les gouvernements africains établissent actuellement de nouveaux partenariats, s’emploient à accroître les investissements dans les infrastructures et à acquérir du savoir-faire et de la technologie. Cependant, l’Afrique peut mieux faire. La production et l’exportation des matières premières à l’état brut équivalent à un abandon de recettes énormes du fait de la non-création de valeur ajoutée. Plutôt que de compter sur les exportations de matières premières, le continent devrait ajouter de la valeur à ses produits de base afin de promouvoir une croissance soutenue, la création d’emplois et la transformation économique.
Auteur : Yasmine Benali yasmine.benali.s@gmail.com @yasmine_bnl
Sous la supervision de Asma Oudina asma_consulting@outlook.com
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Le temps de l'Afrique, par Jean-Michel Severino et Olivier Ray éd. Odile Jacob, 2010, 345 p. Christian Chavagneux, Alternatives Economiques n° 291 - mai 2010
Libération, “La population d’Afrique croît et ne se rend pas”, 10 Avril 2014, Thomas Hofnung http://www.liberation.fr/monde/2014/04/10/la-population-d-afrique-croit-et-ne-se-rend-pas_994730
Groupe de la banque africaine de développement
http://www.afdb.org/fr/topics-and-sectors/sectors/human-capital-development/
Rapport économique sur l’Afrique 2013, Tirer le plus grand profit des produits de base africains: l’industrialisation au service de la croissance, de l’emploi et de la transformation économique.
http://www.uneca.org/sites/default/files/publications/unera_report_final_french_web.pdf
Atlas du Coran - personnages, groupes humains, lieux
Dr. Chawki Abu Khalil, éditions Sana.